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a la dérive

14 juillet 2006

ça va ?

Tout va bien dans le meilleur des mondes. Enfin… Tout va pour le mieux dans le monde qui est le notre. Dans la solitude de celui qui n’est attendu par personne. De celui qui va passer seul la fête nationale, quintessence de la démonstration sociale ; signe d’intégration républicaine, ou de sa désintégration suivant le point de vue que l’on adopte.

C’est fini. A 22 ans, l’optimisme insouciant de la jeunesse a disparu au profit de la lassitude ; d’une prise de conscience de l’inutilité latente de l’existence. Nous ne servons qu’à augmenter le chaos. C’est en observant le chaos que l’on peut donner un sens à la flèche du temps. Elle va avec le développement de celui-ci. Les choses n’iront pas alors vers l’ordre, n’iront pas en s’arrangeant. Battre de l’air perturbe notre atmosphère.

Jeune, j’aimerais avoir ma vie derrière moi. Je ne supporte pas le suspense ; ne pas savoir par quel moyen ( absence, incompétence) je réussirai à la gâcher. Je regretterai certainement ces pensées quand je sentirai mes capacités diminuer, mes entrailles pourrir. Mais aujourd’hui c’est ce que je ressens.

J’ai toujours voulu privilégier la réussite de ma vie sociale à celle de ma vie professionnelle. Trouver une femme, l’aimer, lui faire des enfants et être présent pour les éduquer a toujours été ma priorité. Cœur de pierre, je me révèle incapable d’aimer sur du long terme. Dire que je n’ai pas encore rencontré la bonne personne sert juste à entretenir une illusion d’espoir. Une fois que je l’aurais trouvé, j’en voudrai une autre. Je m’en rend compte, alors je n’y crois plus.

Face à un tel échec de mon objectif prioritaire, on comprend mieux mon suicide socioprofessionnel.

Rater et échouer deviennent des mots d’ordre plus ou moins constants. Ils deviennent en tout cas le résultat de toute tentative ; une vocation. Relationnelle, professionnelle, estudiantine, de quelque domaine que soit la tentative, elle se solde inévitablement par l’échec. Toute tentative s’avorte d’elle même par la désillusion, le manque de courage. Conséquence directe : haine de l’autre en général, mais haine pondérée par la conscience de sa propre responsabilité. Ce lien à l’autre subsistant correspond en fait plus à de la jalousie.

Alors comme chaque fois, à la question " ça va ? ", je répondrai " oui ". C’est la réponse de principe. Je cherche dans mes souvenirs, je ne crois pas y avoir jamais entendu d’autre réponse. Une belle journée de merde s’annonce pourtant, mais si on me pose la question, je n’en dirai rien.

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13 mai 2006

Errances germanopratines

Hier matin je me suis retrouvé sur paris sans rien à faire. J'ai donc vaqué d'abord dans le métro puis traversé les tuileries la concorde pour redescendre par le boulevard saint germain jusqu'à odéon. J'avais mon appareil mais je n'ai pas fait une belle photo, et comme d'hab, je n'ai parlé à personne. Par contre j'ai écris des trucs qui me passaient par la tête sur mon petit calpin. Je vais retranscrir ce qui est transcriptible (c bien histoire de faire vivre le blog). C'est assez décousu, mais on s'en fout.On est rentré dans l'air du kitsch Hi-Tech (mon meilleur pote est pas d'accord, mais dans 10ans avec du recul, on verra qui avait raison) ça c'est la phrase la plus importante du post

- Manquait plus que la pluie (il faisait pas très chaud)

- Juste un doux reveur trop naïf pour se rendre compte qu'il est capable de faire du mal autour de lui (ça c'est moi)

- Pub sous-vêtements Le Bourget (qui est partout en ce moment) : un petit strabisme passe inaperçu. Foufoune rose bonbon, ça fait presque innocente !?

-

- Putain d'ennui, solitude, monotonie, grisaille, morosité, timidité... mais j'aime la vie.

- C'est pas facile de rencontrer quelqu'un. Il parait qu'il faut pas chercher, ou qu'il faut avoir une paire de couilles et savoir quand les poser sur la table. --> penser à préparer des petits papiers avec mon numéro.

- Certains jours, tous les stimuli sont une torture. Chaque odeur est une agression, chaque contact est un choc, chaque bruit vient déchirer les tympans, et tout le monde est moche, comme aujourd'hui. D'autres jours plus rare, c'est le contraire. Question d'éclairage.

- Faut que j'arrête d'essayer d'être un artiste ; je n'ai pas assez de points communs avec les gens pour ça (et encore moins de technique et d'imagination).

- C'est joli une bouche ; autant qu'un ventre.

- Passer sa vie dans le train.

- Je comprends maintenant pourquoi j'adore dormir le matin : pour oublier que je passe à côté de tellement de choses.

- Marre des féministes qui veulent le beurre et l'argent du beurre : l'égalité tout en conservant leurs privilèges. Comme tout le monde dans ce pays, personne ne veut rien lacher, mais tout le monde en veut toujours plus. Vivement le jour où on se fera accoster.

12 mai 2006

Vive le poker... surtout bourré

non , il n'y a rien a rajouter, surtout quand on gagne

bonne nuit à tous.

10€ dans la poche

11 mai 2006

THE Playlist

Quelle difficulté que de dire ce qu'on écoute. Il faut faire des choix, élaguer, classer.

Comme je m'emmerde un peu au boulot, j'ai eu le temps de le faire. Voici donc une liste dont je ne suis pas peu fier.

thelist2

11 mai 2006

La théorie du connard

Après avoir discuté avec une très bonne amie, j'ai ouvert les yeux sur quelque chose dont je me doutais déjà mais que je ne voulais pas voir.

C'est sa vision des relations de couple. Et elle est tristement vraie.

Elle m'a dit tout simplement expliqué que les filles recherchent des connards. Qu'elles s'attacheront au gros macho qui les fera languir, les ignorera et les fera souffrir. Elles sont plus attirées par ce genre de mec tout simplement parce qu'ils se refusent à leur accorder de l'attention donc elles vont se battre, désespérément pour la gagner.

ça marche aussi un peu comme ça dans l'autre sens. Un mec s'attachera plus (et se battra plus) pour une garce qui lui résistera que pour une fille qui saura lui montrer assez vite amour et romantisme.

Triste réalité quand même. Devoir se dénaturer pour séduire. Arreter d'être compréhensif et attentioné. L'amour n''est qu'un jeu de rôle ; un jeu et donc un mensonge de plus. Ma naïveté l'a surprise. Ce n'était pourtant que de l'espoir ; l'espoir que le naturel puisse séduire, celui de passer au delà du jeu. Mais ce n'est pas comme ça que ça marche.

A bon entendeur..

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10 mai 2006

Back on blogosphère

Un retour à marquer d'une pierre (gravier plutot).

A peu prêt un an après mon premier blog, je reviens à ce moyen d'expression faute d'en avoir trouvé de meilleur.

J'avais arreté parce que j'avais fait la connerie de communiquer cette adresse à mes amis. Cela perdait donc tout son intérêt, à savoir l'autothérapie discrète. Les choses desquelles je parlais (malaise social) ne peuvent pas être partagées avec des gens que l'on connait vraiment.

Alors maintenant que c'est tassé, et que je ne consulte toujours pas, je m'y recolle, pour ne pas avoir à commencer à consulter justement.

Les problèmes, bien banals, sont toujours les même : solitude sentimentale et absence de perspectives professionnelles.

Moment critique d'ailleurs. Fin d'année scolaire à bac +4 mais toujours pas de plan et encore moins d'envies déterminées. Difficulté de rencontrer des nanas intéressantes, et quand ça arrive (3 fois en un an), indisponibilité chronique de la demoiselle.

D'où une perte de confiance en soi qui s'accompagne d'un rejet hautain de l'autre en général.

Ce blog est bien parti pour être très gai. Je vais y mettre tout et n'importe quoi pour ne pas le consacrer exclusivement à mes ridicules problèmes existentiels.

A+

7 mai 2006

Nouvelle

L'éternel incompris

Il ne payait pas de mine avec son bonnet usé et son vieux manteau, mais ses ongles étaient propres ; son regard clair et perçant sentait le vécu, la plénitude. C’était celui d’un homme qui a compris les ficelles de la vie. Sa peau, travaillée par les années ne laissait plus de doute. Cet homme avait une histoire, était une histoire. Il voulait se raconter.

            Il s’était assit en face de moi dans le wagon du train. Un moi excédé par l’annulation de la rame précédente suite à un « incident d’exploitation ». Quoi de plus flou que les excuses de

la SNCF.

Dans le wagon, il y avait de la place à côté, en diagonale, partout, mais c’est en face de moi qu’il est venu s’asseoir, me forçant d’un regard plein de malice à retirer mes pieds du siège sur lequel il allait poser son séant. Ses premiers mots n’étaient que des mouvements de lèvres. Devinant le sermon pour mon manque de civisme, du genre « vous montez chaussé sur votre lit ?», je me suis platement excusé sans même ôter mes écouteurs puis je me suis replongé dans mon polar dont s’annonçait le dénouement. Mais je sentis un regard posé sur moi. En levant la tête, les lèvres bougeaient encore, et le regard pétillait de plus belle. Intrigué, et par respect surtout, je dévissai de mon oreille droite le haut-parleur miniature, mais n’entendant toujours rien, je fis de même pour le second, et malgré ça, je continuai à ne rien comprendre. Le maigre filet sonore s’écoulait dans un français plus qu’approximatif, un français mêlé de russe.

            Les gens qui souhaitent communiquer et qui en prennent l’initiative (dans la région parisienne tout du moins) sont souvent les plus loufoques. Des gens qui, bien que partageant notre même espace-temps, ne sont pas sur la même planète. Ou alors ce sont des provinciaux. Ce n’est pas une insulte, bien au contraire (j’en était un aussi avant de me laisser entraîner par l’inertie de la morosité de la masse parisienne). Il y a aussi des immigrés qui, bien qu’ils aient l’air d’avoir un réel message à partager comme les autres courageux initiateurs de conversations ferroviaires, n’ont pas la maîtrise nécessaire de la langue leur permettant de l’exprimer. Parmi le flot de mots incompréhensibles, je n’ai pu en comprendre que quelques uns, avant qu’il ne se lasse de mes sourires et acquiescements de politesse et ne se mette à me parler qu’en russe. Certains termes ne sont venus qu’une fois, comme «Ouzbékistan, Gare de Lyon, à pied, France depuis 40 ans, imprévisible, physique, femme, trois enfants », mais entrecoupés par des mots d’une langue incomprise. Impossible donc d’élaborer une réponse. Une phrase par contre semblait lui tenir à cœur. Dès que mon regard décrochait de lui, il prononçait  : « C’est ça la vie, personne ne sait ce qui va passer demain ». J’imagine qu’un « se » vient s’intercaler entre « va » et « passer ». Mais quand je lui répondais que c’était ce qui faisait sa beauté et son intérêt, c ‘est lui qui semblait ne pas me comprendre et se contentait d’un sourire de circonstance. Je n’osais plus ni lire, ni écouter de la musique ; plus seulement par politesse, mais parce que la passion qui nourrissait ses propos apparemment incohérents me laissaient entrevoir une clé pour décrypter son message.

            Assise un peu plus loin, une jeune fille, lycéenne probablement, observait la scène avec attention, et je sentais dans son regard qu’elle n’aurait pas aimé être à ma place, qu’elle attendait même que je m’énerve sur ce vieux bonhomme inoffensif mais un peu collant. Elle n’a pas eu la chance d’assister à la réaction escomptée puisque je commençais à réellement m’intéresser à mon nouvel ami ouzbek, même si mon incapacité à le comprendre me dissuadait de le regarder dans les yeux. J’avais comme honte, mais dès que je levai une pupille c’est son regard souriant et heureux que je croisais, accompagné d’un  « C’est ça la vie ». Il persistait et je sentais la clé espérée s’éloigner, incapable finalement de trouver le lien le plus ténu entre nous.

Je voyais cela comme une belle illustration de nos modes de vie actuels. Nous ne sommes qu’une foule de gens qui suivent chacun leurs chemins. La solitude est la norme quand on n’ose pas se livrer aux autres. Bien souvent, même en parlant la même langue, on se sent incompris. Et même si certains veulent partager, ils ne peuvent pas se trouver les uns les autres, car même si un échange de regard permet de lire en quelqu’un, il ne donne pas forcément le courage d’entamer une conversation. Rares sont ceux qui osent. Rares sont ceux qui écoutent ; et la compréhension est encore plus difficile que l’écoute. Car même quand la langue est commune, chacun donne un sens qui lui est propre aux mots partagés. L’évolution de notre société actuelle vient rajouter à ce problème. La multiplication des contacts et sources d’informations nous oblige à trier tout signal reçu. Face à cette masse, c’est la forme du message qui va attirer l’attention. La saturation de nos capacités réceptrices étouffent des vérités qui seraient pourtant bonnes à entendre. Mais elles sont difficiles d’accès puisqu’encore inconnues et pas forcément passionnantes au premier abord.

La capacité de communiquer de celui qui veut donner son message joue aussi. Comme si les gens qui avaient des choses intéressantes à dire ne pouvaient prendre le temps d’apprendre à bien les réciter, trop occupés qu’ils sont à penser en leurs termes à ces mêmes « choses intéressantes » qu’ils veulent partager, à aboutir ou améliorer une idée pour la rendre encore plus difficilement abordable aux autres.

Mais j’ai appris aujourd’hui que c’est l’envie qui compte. L’envie de délivrer un message ; peu importe que ce soit par un support accessible à son destinataire. De cette seule intention de partage, on peut déduire le contenu. Un mélange d’analyse de son interlocuteur et d’imagination suffisent. Elle est là cette clé : c’est l’utilisation de la bonne volonté qu’il faut combiner à la déduction et à l’imagination pour ce qui n’est pas directement perçu par les sens. Si c’est possible avec des inconnus énigmatiques, ça doit aussi l’être avec les gens que l’on connaît.

Et si l’ouzbek avait découvert la vérité sur la vie ? Et si il me donnait la formule de la pierre philosophale ? Ou encore la recette du bonheur ? Ou celle de la transformation de l’eau en pétrole ? J’ai compris qu’au moins il ne m’insultait pas.

Reste donc l’imagination.

Depuis quarante ans il descendait tous les jours à

la Gare

de Lyon, puis allait à pied jusqu’à l’ambassade d’Ouzbékistan pour demander des nouvelles de sa femme et de ses enfants prisonniers politiques depuis que ce scientifique s’était expatrié pour fuir le communisme, et que le diplomate habitué à le recevoir lui répondait que la vie était imprévisible, que personne ne sait ce qui va se passer demain, que peut être il aura des nouvelles, alors qu’il sont certainement morts au goulag à cause de sa fuite, avant la chute du régime soviétique. Il a pourtant le sourire caractéristique du pèlerin, de celui qui a trouvé son but. Il ne sait pas ce qui est arrivé à sa famille, et au fond de lui, sait qu’il ne le saura jamais. Mais il ne peut s’arrêter de marcher vers la gare de Lyon. C’est son devoir jusqu’à ce qu’il apprenne leur mort. Mais d’ici là il a le sourire, car c’est ça la vie, on ne sait jamais ce qu’il se passera demain, alors il faut profiter d’aujourd’hui.

Un peu glauque, mais j’aime bien la morale. Mais cela aurait aussi pu être plus simple. J’aurais très bien pu comprendre qu’il me disait que j’avais de la chance d’être jeune et de vivre en France ; que c’est bien de lire et que j’avais une belle chemise, que je devais souvent aller en discothèque (je l’ai aussi entendu siffler ce mot) et avoir du succès avec les filles, ce qui n’est pas vrai du tout.

Toujours est il cela s’est terminé aussi rapidement que ça avait commencé. Juste avant la gare de Lyon, deux turcs se sont assis à côté de nous. Probablement lassé de mes hochements de têtes et absences de réponses, il a jeté son dévolu sur eux. Il leur a parlé en russe ; ils lui ont répondu en turc. Il leur serra la main après quelques échanges de salamalecs ; plusieurs fois. Eux non plus ne comprenaient pas le vieil homme mais semblaient amusés. Comme moi, c’est la vie bien remplie qu’ils ont vu à travers son regard ; qu’ils ont vu et respecté. Quand les mots ne suffisent pas, le regard est là, et lorsqu’il est intense, et vivant, le respect vient lui répondre.

6 mai 2006

Nouvelle

Trois secondes

« - Tu as trois secondes pour ouvrir ta caisse ; après je t’éclate la tronche ! »

Le pistolet était collé à sur le front du pauvre employé de la supérette qui sept secondes plus tôt, avant que n’arrive ce géant encagoulé, pensait que sa journée se finirait comme les autres ; qu’il retrouverait sa femme et ses deux filles après une demi heure de route dans son vieux tacot. En fait non, pas tout de suite, il aurait d’abord fallu passer par la station service d’à côté pour faire le plein avant.

« TROIS !!»

« Cette voix me dit quelque chose. Je suis sûr que je connais cet enculé avec sa dégaine d’ours mal léché. En tout cas s’il croit que je vais lui filer la caisse ce n’est pas dans l’œil qu’il se met le doigt. Gamin je voulais rentrer à l’école du cirque, pour devenir dompteur de fauves. Mais depuis que je me suis fait déchirer la moitié de la cuisse par un clébard à quinze ans, je ne vois plus les animaux de la même façon, pas question de m’enfermer avec des bêtes encore plus féroces. Quoique, il y en a quand même quelques spécimens intéressants dans le coin. La preuve… C’est pour ça que j’ai voulu me barrer, mais sortir de la banlieue n’est pas facile quand on y a passé sa vie, qu’on y a toutes ses attaches et qu’on est pas vraiment doué pour l’école. J’avais pourtant besoin de couper les ponts, alors j’ai commencé par l’armée, histoire de prouver mon intégration à cette société qui me considère toujours comme un immigré alors que je suis né ici. J’ai tenu un an dans une compagnie de débiles alcooliques obsédés par le cul et leur famas. Les officiers avaient l’air moins cons mais impossible de les fréquenter, hiérarchie oblige. Alors comme tout le monde, après j’ai fait dans l’intérim. Cariste, manutentionnaire ; que de boulots passionnants !!! Mais il faut bien gagner sa vie. J’ai pensé à passer dans la délinquance mais même petit, j’ai jamais été capable de piquer trois sucettes sans me faire gauler. J’avais l’impression que me lancer dans cette voix n’était pas la solution, que je me ferai obligatoirement, ou choper ou bouffer par plus gros que moi. Alors j’ai continué l’intérim me suis essayé dans le bâtiment jusqu’à ce que mon dos mais lâche (c’est dommage, la cuisse allait mieux). Et j’ai rencontré Nadia un soir au bowling. Ca a tout de suite bien marché. Elle connaissait un peu de monde et avait un oncle qui tenait une épicerie et qui avait besoin d’un caissier. Ca fait deux ans. Le boulot n’est pas spécialement passionnant, mais le patron est sympa, tout comme la clientèle (en général). Comme ça reste ouvert jusque tard, et aussi le week-end, et qu’en général ce sont les jours où je travaille, j’ai le droit à des petits compléments de salaire plutôt intéressants ; en cash dans des enveloppes bien entendu. Et ce soir je retombe en enfance pour réaliser mon rêve. Je me découvre une paire de couilles : je vais dresser mon premier ours. »

« - Y a que cinq cent euros dans cette caisse mec, tu vas pas me buter pour cinq cent euros quand même !!! »

« - DEUX, ferme ta gueule et ouvre ta caisse !! J’hésiterai pas !!!! »

« Mensonge. N’importe quoi. Je ne vais pas buter ce pauvre gars pour cinq cent euros quand même. Et pourquoi pas. Il se fout de ma gueule, c’est sur ! S’il déclare cinq cent euros, ça veut dire qu’il y a au moins le double dedans. Je vais lui faire sauter le caisson s’il se fout encore de ma gueule. On est en fin de journée ; s’il n’a que ça en fin de journée, il aurait déjà dû fermer boutique. De toute façon je n’ai pas le choix. Ils tiennent ma sœur. Si je pouvais retrouver ce salop. C’était mon meilleur pote et il m’a doublé. Pour se barrer avec mille euros. Il sait forcément dans quelle merde il m’a laissé. On ne bosse pas pour des tendres. Et si moi j’hésite à buter ce pauvre caissier pour récupérer du fric, eux n’hésiterons pas à se faire ma sœur, dans tous les sens du terme. Si moi je lui colle une balle dans le citron (gentleman), ces lascars se feront bien plaisir avec elle avant d’en finir à la façon torture moyenâgeuse, pour s’occuper de moi ensuite. Je récupère les mille euros, je les rends à qui de droit et après je me casse de cette cité. Elle m’a trop pourri la vie. Recommencer ailleurs, dans le légal tant qu’à faire ; quitte à trimer pour pas grand-chose comme ce pauvre caissier ; à faire le videur pour une boite de merde ou agent de sécurité dans un entrepôt quelconque. Fortune et avenir radieux en quelque sorte. Mais avant il me faut les mille euros, et il n’y a qu’ici que je peux les trouver. C’est le seul truc ouvert à cette heure là et je dois rembourser ces mafiosi à la con avant demain matin. S’il manque ici, j’irai braquer le fond de caisse de la boulangerie à son ouverture. Deux cent cinquante euros. Comment j’ai pu en arriver là ? Ca aurait pu tellement mieux tourner. Si seulement j’avais pas fait confiance à mon ex-pote. Si lui je le retrouve, il va prendre cher. Surtout que c’était un plan à lui. J’aurais dû réfléchir à deux fois avant de commencer ces conneries ; dès le début. Ecouter les parents plutôt que les « amis ». Je serais sûrement parti à l’armée pour finir caissier comme l’autre naze en face de moi…. Mais oui…. Ca me revient maintenant. Je savais que je le connaissais. Merde ; encore une raison pour que je l’épargne. Putain, j’ai encore jamais buté personne, et j’ai pas envie de commencer par un ancien pote, surtout par le seul mec réglo que je connaisse encore. Ouvre ta caisse s’il te plaît, ne m’oblige pas à faire ça. »

« - UN !! » Il arma le chien de son pistolet.

« En fait c’est dangereux de dompter ce genre de bestiole. Il va tirer le salop !! Je vais peut-être abandonner le dressage avant de réellement commencer finalement. Quand on est marié et avec des gosses, ce n’est pas la meilleure situation pour commencer ce genre de boulot, surtout en free-lance, sans formation préalable. En plus la bestiole est pas spécialement docile pour une première. Dans les cirques, je suis sur qu’ils commencent avec des bébés tigres avant de récurer les dents du papa de l’intérieur. En plus la caisse est assurée. Le patron m’a bien répété que si ce genre de situation se présentait, il ne fallait pas que je joue au con, que je ne prenne pas de risques. Mais l’occasion est trop belle. J’ai trimé toute ma vie à des boulots de merde pour gagner de quoi vivre ; enfin survivre. Le luxe a toujours été pour les autres. Même si Nadia et moi nous en foutons, mais ça aurait été tellement mieux pour l’éducation des filles. Et lui, parce qu’il à le cran de me mettre son flingue sous le nez, pourrait se faire en une soirée ce que je me fais en un mois !! (Il y a en effet plus de cinq cent euros dans la caisse puisque le patron n’est pas passé cet après midi alors qu’il le fait d’habitude pour vider le surplus). Est-ce que ça vaut vraiment le coup de ce prendre une balle par un enragé pour si peu ? Surtout que je suis sûr que je le connais. Cette carrure ! Et si j’arrive à le reconnaître avec sa cagoule, c’est obligé que lui m’ait reconnu ! C’était au lycée. Oui, ça y est ce tic de pencher la tête sur le côté quand il est stressé. C’est Georges. Super sympa ce mec, mais influençable ; et apparemment il s’est laissé avoir. Maintenant que je connais la bête, j’ai encore moins envie de la dresser. Il a toujours été capable du pire. Et un peu niais en plus. Même s’il est sympa, même s’il m’aimait bien, même s’il m’a reconnu, il est capable de tirer. ».

« - Okay mec, je t’ouvre. Mais après tu te casses Jo !! » Les mots ont dépassé sa pensée. Il ne voulait absolument pas lui faire comprendre qu’il avait compris à qui il avait à faire.

«  - Fallait pas me reconnaître Pedro, fallait pas. » Il enleva sa cagoule et, les yeux embués tira. La caisse était fermée et George ne savait pas comment l’ouvrir. Le temps qu’il comprenne, la police serait là. La nouvelle de son arrestation sauvera sa sœur, car il avait tout essayé ; il était allé jusqu’au bout, jusqu’au bout de lui même.

5 mai 2006

Nouvelle

L’animal de compagnie

Les jours se suivent et se ressemblent. S’oublier dans la monotonie du travail est le seul moyen qu’il ait trouvé pour l’oublier.

Deux ans déjà qu’elle était partie pour un autre, comme les autres. Sa faute à lui ou leur faute à elles ? Il avait conclu, du fait que la plupart des hommes y arrivent très bien, et de l’inlassable répétition des ruptures subies que la première solution se vérifiait et donc en avait déduit qu’il n’était pas fait pour partager sa vie. Trop banal peut-être, trop rangé, pas spécialement beau ni sportif. Et outre ces considérations, il était souvent morose, pas spécialement drôle et encore moins jovial, conciliant et sympathique. Ses cheveux le fuyaient aussi vite que sa carrure se renforçait, et pas dans le sens des dictats de la mode. Mais il ne voulait pas cesser d’y croire.

Pourtant il ne cherchait même plus ; plus activement en tout cas. Après avoir essayé sans conviction les techniques les plus modernes, il en a été dégoûté. L’amour pour lui n’est pas une marchandise réductible à des critères de recherches sur Internet, ou à des résumés de sept minutes. Il n’avait que très peu d’amis, et quand bien même, il s’agissait de gens comme lui ; de collègues pour la plupart, par qui les rencontres de nouvelles conquêtes possibles était encore plus rare que les années bissextiles.

Le sexe ne posait pas le même problème. Il n’a jamais vraiment été un adepte maladif de ces plaisirs. Si une pratique occasionnelle lui semble nécessaire, elle lui est néanmoins suffisante. Ce besoin spontané et très animal peut alors plus facilement être assimilable à une marchandise, c’est certainement la raison pour laquelle ce type de service s’échange depuis la nuit des temps. Quelques dizaines d’euros suffisent et il y en a pour tous les goûts, même si les siens étaient très classiques. Il pensait qu’une consommation de ces plaisirs à intervalle bimestrielle restait raisonnable. Mais l’absence totale de sentiments et la touche de culpabilité (corollaires de prix versé contre ces services) ramènent le plaisir ressenti au minimum bestial.

Quelques années plus tôt, quand il avait un peu plus de cheveux, il lui arrivait encore de croiser de charmants regards dans la rue. Envoûtants, ceux-ci suffisaient à réveiller une confiance en son potentiel de séduction, même s’il se doutait que, la plupart du temps, celles qui se donnaient la peine de répondre à ses sourires ne le faisaient que par pure politesse.

Depuis six mois, il a pris un chien, recherchant un animal de bonne compagnie (pour changer). Lui n’exigerait ne se plaindrait pas de la morosité de son maître, chercherait à le consoler,  et il ne partirait pas pour un autre. A chaque fois qu’il rentrerait il serait heureux de fêter ce retour. Passées les premières joies du partage de sa vie avec un labrador, les premiers coussins déchirés et les premières crottes ramassées, bien que de réels sentiments soient nés, il a pris conscience que ce ne sont que des substituts destinés à lui faire oublier sa solitude.

Il allait courir deux fois par semaine depuis qu’il faisait vie commune avec  Toto. Cela permettait au chiot encore fou-fou de se défouler et donc de sauver les restes du mobilier d’intérieur de son maître. La présence de l’animal lui offrait des occasions de discuter facilement avec des inconnues, même si, encore une fois, il se rendait bien compte que ce n’était pas lui qui attirait leurs attentions.

Un soir, alors qu’il faisait son tour habituel, il croisa une femme assise sur un banc qu’il n’avait jamais vu auparavant. Elle était plutôt banale, n’avait rien de repoussant ; un peu comme lui en fait (sans la calvitie naissante). Elle ne prêtait pas d’attention au chien, mais  à lui ; et ce d’un regard triste et mélancolique qui faisait comprendre que la vie n’avait pas forcément été facile pour elle ; comme pour lui. Croisant ce regard, il réduisit sa foulée et ressentit une émotion tellement forte qui cristallisa sa pensée : « Elle semble si seule ». Mais il n’osa pas lui parler, ne s’en senti ni capable, ni invité : « Elle semble seule et vouloir le rester ».

Elle pensait la même chose de lui.

Les gens qui font des footings courent en général toujours aux mêmes endroits. Elle est revenue le lendemain sur ce banc, et cette fois elle s’adressa directement au chien pour lequel elle avait prévu une friandise. Comme elle l’espérait le maître aussi s’est arrêté, et comme elle l’avait pensé, il était aussi seul qu’elle.

Ils vécurent heureux, autant que peuvent se l’autoriser des gens qui se rapprochent dans le seul but de trouver de la compagnie. Mais ça fait deux ans qu’elle est partie, pour un autre, et elle a pris le chien. Il s’y était attaché. Et c’est pour ça qu’elle partie… avec le chien. Quand il aura fait le deuil de sa relation et du cabot, alors il en reprendra un autre, ou peut-être un chat. Il s’entendra peut-être encore mieux avec un animal aussi ingrat et solitaire que lui. Mais même le chien l’a quitté. Et s’il se rendait bien compte que l’animal n’y était absolument pour rien, il trouvait l’image plus que significative. L’animal de compagnie c’est lui ; mais ce sont les autres aussi. Tous des ersatz bons à faire oublier que passe le temps, que le bonheur ne demande qu’à s’enfuir.

Le pire est que maintenant il croit que son incapacité à vivre en couple est un choix : celui de ne pas s’attacher, de ne rien donner ni recevoir pour ne pas souffrir du manque de la rupture. Peu importe le matraquage médiatique montrant des couples heureux et nourrissant par la même la détresse des célibataires endurcis. Voir s’agiter ces inconscients l’incite à  s’exclure de la société de consommation tant matérielle que sentimentale. Alors il a choisi : on peut être heureux seul, en dehors de la norme ; du moment qu’on a un animal de compagnie.

Ses aspirations d’ermite ne dureront pas. Il récidivera bien vite, car dans un monde ou la solitude est si répandue, on croise souvent des gens seuls, et parfois certains avec le même état d’esprit, bien qu’on ne fasse pas de footing avec un chat. Et certains instincts nous convainquent que le bonheur se cache au bout du chemin, derrière la prochaine foulée ou à la prochaine boucle, là où on l’attend le moins puisqu’il n’y avait rien une heure plus tôt. L’expérience nous apprend que ce bonheur est tellement rare qu’il serait dommage de le rater, même s’il nous soumet à l’état d’animal de compagnie. 

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